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Dérive mafieuse : une résolution adoptée par l'Assemblée de Corse, mais sans unanimité

Après plusieurs heures de discussions entre groupes politiques, qui ont suivi une première phase avec autour de la table les associations de lutte contre la mafia, les élus de l'Assemblée de Corse ne sont pas arrivés à trouver d'accord autour d'une résolution commune.

Ce sont deux résolutions qui ont été présentées à l'Assemblée de Corse. La première, présentée et soutenue par l'Exécutif de Corse, la présidence de l'Assemblée de Corse, et les différents élus de toutes les tendances du nationalisme, a été adoptée, sans la participation du groupe Un Soffiu Novu. Le groupe de droite avait présenté sa propre résolution incluant la violence politique des dernières décennies comme l'une des causes de la dérive mafieuse, une résolution rejetée.

C'est donc sans unanimité, ni consensus, que cette session spéciale de l'Assemblée de Corse s'est conclue, même si les désaccords ne se sont pas exprimés sur le sujet central.

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Voici le contenu de la résolution votée majoritairement par l'Assemblée de Corse :

CONSIDERANT l’aspiration du peuple corse à vivre dans une société libre, démocratique, et apaisée ;

CONSIDERANT que cette aspiration est menacée par un phénomène de dérives mafieuses qui est allé en s’aggravant depuis des décennies ;

CONSIDERANT l’aspiration partagée des élus de la Corse et des forces vives de la société insulaire à combattre démocratiquement ce phénomène et à y mettre un terme ;

CONSIDERANT les mobilisations citoyennes, notamment celles engagées en septembre 2019, au lendemain de multiples actes criminels, dont l’assassinat de Massimu Susini, jeune militant nationaliste, et notamment concrétisées par la création des deux collectifs anti-mafia « Maffia No’ A Vita Iè » et « Cullettivu Massimu Susini » ;

CONSIDERANT la décision prise, sur proposition du Conseil exécutif de Corse, par l’Assemblée de Corse lors de la session de l’Assemblée de Corse des 26 et 27 septembre 2019, d’organiser une session extraordinaire consacrée aux dérives mafieuses ;

CONSIDERANT la décision de mettre en place à cet effet un cycle d’auditions mené par la Conférence des Présidents ;

CONSIDERANT les premières auditions réalisées entre le 9 décembre 2019 et le 26 février 2020 ;

CONSIDERANT la suspension des travaux du fait de l’enchaînement de la crise Covid en 2020, de la tenue des élections territoriales de juin 2021, et de l’assassinat d’Yvan Colonna et ses suites en mars 2022 ;

CONSIDERANT la décision de la Conférence des Présidents du 21 octobre 2022 de reprendre le processus d’organisation de cette session à travers l’actualisation des auditions auprès des collectifs et associations anti-mafia ;

CONSIDERANT la demande réitérée aux autorités administratives et judiciaires de l’Etat d’être auditionnées par la Conférence des Présidents, proposition à nouveau déclinée par celles-ci ;

CONSIDERANT l’ensemble des auditions réalisées, les documents et contributions recueillis, les travaux menés par les organes exécutif, délibératif, et consultatifs (CESEC ; Chambre des Territoires ; Assemblea di a Giuventù) de la Collectivité de Corse, les votes et délibérations de l’Assemblée de Corse ;

CONSIDERANT la session extraordinaire de l’Assemblée de Corse en date du 18 novembre 2022 consacrée aux dérives mafieuses, les prises de paroles, échanges, et travaux intervenus en cette occasion ;

 

LE CONSEIL EXECUTIF DE CORSE ET L’ASSEMBLEE DE CORSE

 

EXPRIMENT ET REAFFIRMENT solennellement la volonté des Corses de vivre dans une société libre, démocratique, et apaisée ;

CONVIENNENT de définir comme « dérive mafieuse » toute forme de crime ou de délit, ou tout comportement, émanant de groupes appartenant à la sphère de la criminalité organisée, et usant de violence ou contrainte, ou menaçant de le faire, pour influer sur les choix individuels et collectifs des citoyens, et/ou des décideurs, et/ou des élus, et de la société corse, notamment dans la sphère économique et/ou politique ;

S’ENGAGENT à ériger le refus de ces dérives mafieuses, et son corollaire, la prééminence de la culture démocratique, comme une priorité de l’action publique de la Collectivité de Corse ;

CONSTATENT que des actions et décisions importantes ont déjà été prises par la Collectivité de Corse pour apporter des réponses opérationnelles efficaces à ces dérives, notamment dans le domaine de la sécurisation des procédures administratives de gestion des fonds publics ;

RAPPELLENT que les réponses policières et judiciaires aux dérives mafieuses relèvent exclusivement des compétences régaliennes ;

EN APPELLENT donc aux autorités administratives et judiciaires de l’Etat en Corse pour communiquer, sur la base des éléments objectifs en leur possession, de leur analyse de la situation et de leurs propositions en matière de politique pénale contre les dérives mafieuses ;

REITERENT leur demande aux autorités administratives et judiciaires de l’Etat d’être auditionnées par la Conférence des Présidents ;

RENOUVELLENT, à cet égard, leur demande de communication du rapport de la Juridiction Interrégionale Spécialisée (JIRS) de Marseille, lequel aurait objectivé l’existence d’un « système mafieux » en Corse, ainsi que celui du Service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée (SIRASCO) pointant, selon les autorités judiciaires, l’existence d’« entre 20 et 25 » bandes criminelles en Corse ;

PROPOSENT à l’ensemble des élus de la Corse et des forces vives de la société corse de partager ces objectifs, et de définir et mettre en œuvre une stratégie d’ensemble permettant de les atteindre ;

ACTENT dans cette perspective la mise en place d’un cycle de travail de cinq mois, associant organes de la Collectivité de Corse, communes, intercommunalités, et forces vives ;

DISENT que les travaux ainsi engagés s’organiseront autour de cinq thèmes prioritaires :

  • Ethique et politiques publiques
  • Secteurs économiques particulièrement exposés
  • Drogues, commerces illicites
  • Dérives mafieuses :

- Instruments d’analyse et de quantification

- Procédure, droit et politique pénale

  • Enjeux éducatifs, culturels et sociétaux

 

CONVIENNENT qu’aux termes de ces travaux, un rapport du Conseil exécutif de Corse et de l’Assemblée de Corse sera soumis au débat et au vote au plus tard lors de la session de juin 2023.